Ils ont aussi écrit sur la marche...

“Nous nous rencontrons maintes et maintes fois sous mille déguisements sur les chemins de la vie.”
Carl Gustav Jung
***
“Jamais j’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j’ose ainsi dire, que dans les voyages que j’ai faits seul et à pied. Je dispose en maître de la nature entière ; mon cœur errant d’objet en objet s’unit, s’identifie à ceux qui le flattent, s’entoure d’images charmantes, s’enivre de sentiments délicieux”.
Jean Jaques Rousseau, philosophe, “Les rêves éveillés du marcheur”.
***
“Les pensées nourries par la marche sont plongées dans le cosmos, elles sont ciel pour moitié“, dit Virginia Woolf ; “si on pouvait les soumettre à une analyse chimique, on y trouverait des grains de couleur, et des litres, des volumes d’air.”
Virginia Woolf, écrivaine de génie, critique littéraire et éditrice
***
“Pour moi, marcher est toujours une recherche de guérison, puisque c’est laisser derrière soi les soucis qui nous ravagent, pour aller au-devant d’un monde et d’un temps que nous avons à construire. J’aime cette métamorphose qui consiste à ouvrir sa porte et à aller au-devant du monde qui vient, dans l’incertitude de ce qu’il va apporter.”
“Dans le cas de la marche d’un psychologue et de son patient, nous sommes dans une démarche qui redéfinit le cadre thérapeutique. J’aime bien cette idée, car cela leur permet de changer de statut dans une expérience tout à fait nouvelle. Je suis sensible à cette idée de redéfinition du cadre. Cela libère l’esprit du patient qui va peut-être arrêter de ruminer sur des problèmes qu’il ne cesse de creuser depuis des semaines ou des mois. C’est une manière de faire voler en éclats l’imposition des statuts.”
David Le Breton, anthropologue et sociologue, a beaucoup écrit sur les bienfaits de la marche.
“Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur”. Le regard qu’il porte sur les promenades thérapeutiques est bienveillant et lucide.”
***
“En Provence, on vous demande au retour d’une balade :
“alors vous avez bien promené ?”
Cette expression est très juste, malgré le solécisme. On se promène, mais aussi on vous promène, et l’on promène intransitivement comme transitivement. On promène aussi ses idées, ses goûts, son histoire, et sa philosophie. Et où un philosophe français irait-il se promener, sinon à Paris ? Jean Lacoste nous y promène, et son essai tendre et ironique va bien plus loin que ses flâneries n’en ont l’air.
Jean Lacoste, philosophe, “Petite philosophie de la promenade”
***
“De ces faits anthropologiques fondamentaux on devrait tirer cette conclusion qu’avant toute chose, avant même d’être un être parlant, l’homme est un animal qui marche, qui voyage. Il est debout tout homme viator. L’homme en chemin. Cela peut pas être sans conséquence sur sa structure psychique, sur le rapport entre son psychisme et son corps, sur son rapport au monde.”
Gérard Haddad, médecin psychanalyste
***
“Qu’y a-t-il au départ ? Une tension musculaire. En appui sur le pilier d’une jambe, le corps se tient entre terre et ciel. L’autre jambe ? Un pendule dont le mouvement part de l’arrière : le talon se pose sur le sol, le poids du corps bascule vers l’avant du pied, le gros orteil se soulève, et à nouveau le subtil équilibre du mouvement s’inverse, les jambes échangent leur position. Au départ il y a un pas, puis un autre et encore un autre, qui tels des battements sur la peau d’un tambour s’additionnent pour composer un rythme, le rythme de la marche.”
Rebecca Solnit, écrivaine, engagé dans des campagnes autour de sujets tels que l’environnement et les droits de l’homme.
“L’art de marcher”, l’histoire de la marche en tant qu’art, expression d’un particularisme culturel ou spirituel, activité à part entière, fin et non simple moyen.
***
“La marche, on n’a rien trouvé de mieux pour aller plus lentement. Pour marcher, il faut d’abord deux jambes. Le reste est vain. Aller plus vite ? Alors, ne marchez pas. Car marchant, il n’y a qu’une performance qui compte : l’intensité du ciel, l’éclat des paysages. Marcher n’est pas un sport.”
“Si mettre un pied devant l’autre est un jeu d’enfant, la marche est bien plus que la répétition machinale d’un geste anodin : une expérience de la liberté, un apprentissage de la lenteur, un goût de la solitude et de la rêverie, une infusion du corps dans l’espace.”
Frédéric Gros, philosophe, “Marcher, une philosophie”
***
Marcher, c’est le onzième archétype, celui où le bébé fait ses premiers pas : “Marcher est utilisé pour dire que tout va bien, que ça avance, ça fonctionne et va dans le bon sens. Marcher signifie aussi bien avancer, cheminer, aller, progresser, réussir, vagabonder, fonctionner, tourner, prospérer, rouler, croire, accepter, obéir, consentir, piétiner, venir, passer, rôder.”
Son conseil aux adultes : ” Exprimer votre identité dans votre marche : la dynamique de la marche résume les attitudes psychiques, les émotions, les intentions, la détermination, l’envie d’avancer, de communiquer…”
Cristina Cuomo, psychologue, “Le miracle de la marche”
***
Walk and talk à Hyde Park
“Il y a longtemps que l’on connaît les effets bénéfiques de la marche régulière sur la forme.
De nombreuses études ont en effet montré ses bienfaits quant aux risques de maladies cardiovasculaires, d’arthrose, d’embonpoint… Par l’amplification de la respiration qu’elle déclenche, la marche permet une meilleure oxygénation, propice à générer le calme intérieur et l’équilibre. Mais, plus récemment, on a aussi démontré ses pouvoirs contre la dépression. Une recherche de l’université de Stirling en Ecosse a ainsi établi que 5 séances de 30 à 40 minutes par semaine suffisaient pour commencer à se sentir mieux psychiquement. C’est que marcher atténue les sentiments négatifs, la rumination mentale : le rythme soutenu d’un pied devant l’autre, surtout dans des environnements naturels apaise nos émotions. Une formidable thérapie donc, qui a ainsi résumée le psychiatre Boris Cyrulnik : “L’action, l’affection et la mentalisation sont nos tranquillisants naturels prescrits lors d’une marche.”
“Quand un adulte marche seul, il marche en fait avec un autre que lui-même et installe un dialogue intérieur” , explique psychiatre Daniel Marcelli, dans son livre : “Marcher pour s’en sortir”. Certains psychothérapeutes ne s’y sont pas trompées puisqu’aux Etats-Unis, des “walk and talk” thérapies existent depuis quelques années. Celles-ci ont fait éclater le cadre du cabinet et les séances en face à face assis pour amener patients et psys à avancer ensemble le long des chemins, tels Socrates et Platon en leur temps, afin de mieux penser et “travailler”.
Le Figaro
Le walk and talk, ainsi, à New York, aux Pays-Bas, en Suisse, en Angleterre, de nombreux thérapeutes emmènent leur patient pour une promenade d’une heure à une heure et demie en plein air.
***
Si tu n’arrives pas à penser, marche ;
si tu penses trop, marche ;
si tu penses mal, marche encore.
Jean Giono